Merci, M. Richard Descoings, de m’avoir enlevée à cet avenir peu palpitant auquel j’étais toute prédestinée.
J’ai souffert d’avoir été admise à Sciences Po. Beaucoup. Pourtant, ça valait le coup d’avoir traversé ces épreuves. C’est une chance inestimable de se retrouver dans une telle école, pas tant pour son prestige que pour la formation fournie qui nous a permis à nous ex-lycéens de ZEP d’élever notre réflexion au-delà de ce qui aurait été possible sans échelle. Je me moque éperdument de savoir que les conventions d’éducation prioritaire font partie d’une stratégie de communication qui marche à merveille, que ceux qui en ont bénéficié défendraient l’école bec et ongles. Ce qui compte, c’est que pour la plupart d’entre eux, l’initiative est non seulement salutaire, mais surtout pertinente.
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Si je me remémore toute ma scolarité à Sciences Po depuis mon arrivée, j’ai le souvenir de deux années tourmentées sur lesquelles je n’ai pas eu un parfait contrôle. Intégrée sans une proche amie qui s’était également présentée par cette procédure, je n’ai plus eu l’impression que cette admission était une victoire. Contrairement à beaucoup d’autres, je me suis renfermée sur moi-même et n’ai pas su tirer profit des cours enseignés. Moi qui n’avais jamais séché depuis l’école primaire, j’ai rapidement usé mes trois absences autorisées par conférence de méthode. Ma triplette ne m’avait pas rejetée mais je m’étais auto-exclue d’un groupe de personnes dont je ne voyais que la supériorité dans tous les domaines (notes, milieu social, culture, sociabilité, … ).
Au deuième semestre, j’ai découvert que certains camarades de triplette me voyaient comme une fille stupide. Difficile de leur en vouloir, pourtant, au vu de mes notes et de mes interventions orales toujours ratées.
En réalité, le coup de grâce – le vrai – est venu quand on m’a pointée du doigt pour mon désir d’emménager avec mon ami. On imaginait que j’optais pour la facilité, alors que c’était dans un sursaut de survie que je formulais cette nécessité, sans arrière-pensée.
J’étais donc dans une situation privilégiée mais peu enviable : dernière de la classe, loin de mon environnement et de mes amis/ma famille, gênante pour ma tante qui m’hébergeait, méprisée par les gens de ma classe pour mon peu de vivacité d’esprit, instabilité sentimentale, source d’inquiétude pour mes proches, ce fut une sale période, je vous l’assure, mais cette fois, peu de gens me trouvaient des raisons de me plaindre.
La rage d’être si peu encouragée, et le soutien du seul ami qui s’est comporté en tant que tel, m’ont heureusement poussée en Deuxième année, mais par un « passsage conditionnel ». Si la décision de Sciences Po de me laisser une nouvelle chance m’a soulagée, le fait de faire partir de cette petite liste de personnes n’ayant pas eu le nombre de crédits ECTS suffisant m’a confirmé dans l’idée que je méritais peu ma place.
Cette Deuxième année a débuté dans la honte, le remords, le sentiment de médiocrité. J’ai finalement pu m’installer à Paris mais ce n’était pas sans avoir blessé plusieurs personnes. Je suis quelqu’un de faible par nature, et les mauvaises périodes ont tendance à m’affaiblir sérieusement plutôt que de me renforcer. Mes notes ont augmenté mais pour se stabiliser autour de 11. Mes devoirs sont restés décevants. À partir du mois de janvier, n’ayant plus connu d’événements négatifs, j’ai pu percevoir une réelle progression dans ma capacité de compréhension, de gestion du travail, de participation en cours. Certes, c’est très loin d’être parfait et mon efficacité à la tâche est discutable. Mais l’espoir de figurer parmi la liste des admis en Troisième sans devoir repasser les matières où j’ai échouées est de plus en plus tangible.
Aujourd’hui, je me suis rendue compte que ma faible personnalité et des incidents qui font partie de la vie ont considérablement ralenti mon intégration et m’ont empêché de profiter pleinement de tout ce que Sciences Po met à notre disposition, en particulier en ce qui concerne l’apport intellectuel de nos enseignants qui est formidable lorsqu’on sait s’en imprégner. Je suis passée à côté de certaines choses, mais l’important est de s’en rendre compte et de pouvoir y remédier.
À l’avenir, je ne me poserai plus autant de questions sur ma personne et serai plus disciplinée.